Musique Alhambra

L'Actualité du Flamenco

 

  

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Interview de Javier Puga réalisée par Isabelle Jacq 'Gamboena',

en juillet 2009, pour Musique Alhambra  

Javier Puga

En tant que  directeur artistique du Festival Arte Flamenco de Mont de Marsan, Javier Puga nous a accordé l'entretien qui suit, tandis que le Flamenco embrasait la ville entière  depuis plusieurs jours.

- Le Festival 'Arte Flamenco' de Mont de Marsan fête son 21ème anniversaire cette année. Quel premier bilan tirez-vous de cette édition?

- Comme chaque année, nous avons essayé de montrer le meilleur de l'art Flamenco. Arte Flamenco est une marque déposée. Ce Festival qui a lieu à Mont de Marsan a un prestige énorme dans le monde entier et chaque année, nous avons un grand défi à relever. Cela peut paraitre présomptueux, mais chaque année, quand le samedi arrive, je me demande ce qu'on pouvait faire de mieux. Cette édition nous a fait encore avancer non seulement sur l'aspect artistique qui est exceptionnel mais aussi d'un point de vue de l'organisation. Nous sommes déjà bien rodés. Il y a de nouvelle équipe  qui s'est intégrée à l'organisation. François Boidron, Directeur de la Culture du Conseil général des Landes et sa camarade Monique. C'est leur troisième année et ils font un  magnifique travail d'organisation. Parmi les nouveautés, nous avons ouvert le Festival vers la ville, vers les montois,  c'est ce qui nous manquait. Depuis quelques années, nous faisons l'essai de montrer le Flamenco dans la rue. Cela a très bien marché. Cette année, nous avons trois plateaux différents et chacun est intervenu pendant deux jours, c'est à dire que pendant 6 jours, du lundi au samedi, nous avons présenté une performance et un spectacle Flamenco spécifique pour la rue. Il y a plus de 500 personnes de tous les âges et même des enfants. Nous avons ouvert aussi des concepts vers des expositions comme chaque année, mais cette fois-ci , on en a plusieurs dont notamment cette très grande exposition du maestro Carlos Saura qui est venu à ce festival en tant qu' invité d'honneur . Il y a aussi du cinéma tous les jours. Nous avons pu assister à la grande filmographie de ce cinéaste merveilleux. Nous avons investi de nouveaux espaces comme le café musique, dont on se sert depuis l'année dernière et qui devient aussi un des lieux incontournables du Festival. On y donne des cours puis, le soir, les stagiaires l'utilisent pour danser le Flamenco. Les gens vivent le Flamenco 24h/24. C'est très rassurant de voir autant d'émotion et cette camaraderie partout, de voir combien nous sommes respectés et acceptés. Les gens d'ici ont compris que les Flamencos sont des gens de respect.

- Comment procédez-vous pour élaborer la programmation du Festival?

- Il faut que je vous dise que je vis en Andalousie et que, depuis l'Andalousie, je travaille pour le Conseil Général des Landes, pour préparer la semaine du Festival. Je suis en contact direct et permanent avec l'équipe du Festival. Le Flamenco étant une des parties essentielles de ma vie, je suis de près son actualité. Avant, c'étaient plutôt des gens de ma génération qui étaient au top de la scène et du marché. En 20 ans, nous avons assisté à 21 éditions du Festival et donc à un changement générationnel. Il y a beaucoup d'artistes émergeants. Parfois la biennale de Séville nous aide pour confirmer notre programmation. Cette année, nous avons deux plateaux qui sont pris de la Biennale. Il s'agit du piano Flamenco de Pedro Ricardo Miño et le concert de Canizares... Il faut donc être constamment à l'affut et, petit à petit, faire des choix pour pouvoir faire des suggestions pour élaborer une bonne programmation dès octobre pour avoir le temps d'équilibrer et de négocier. C'est un travail  compliqué en même temps car il touche au concept artistique à l'intérieur duquel il n'y a pas de codes strictes. L'unique impératif c'est la qualité de ce qu'on veut montrer à notre public et, pour cela, nous sommes très exigeants.

- Y a t-il certains artistes qui reviennent parfois dans la programmation?

- Oui, cela peut arriver. Déjà, dans les troupes de danse où il y une tête d'affiche, on voit des chanteurs ou des guitaristes qui sont avec un artiste et, l'année suivante, avec un autre. Sur ce point, nous ne pouvons intervenir car ce n'est pas de notre ressort. C'est souvent l'artiste qui choisit son équipe. Cette année, par exemple, nous avons eu une coïncidence notable. Un professeur de guitare était presque tous les jours sur scène et ce n'est pas le Festival qui avait proposé cela. Ce sont les têtes d'affiche de chaque plateau qui ont fait ce choix. Pour ce qui est de faire revenir des têtes d'affiche, ce sont des cas assez rares. Il y a des artistes qui sont devenu le reflet du style que nous défendons depuis le début de la création du Festival, notamment et très spécialement notre très chère Pepa Benito, une cantaora de la vieille école et de la grande famille et dynastie des Pinini. Elle est d'ailleurs la petite fille de Benito Pinini, cantaor de grand prestige de la fin du 19ème et début du 20ème. Cette grande dame était présente à chaque Festival depuis la première édition en 1989. Au début, elle était l'artiste invitée dans la troupe de son neveu Pedro Bacan, puis elle est venue dans des plateaux différents et un jour elle est devenue l'artiste incontournable du Festival. Elle n'a pas pu venir cette année, pour des raisons de santé. Nous espérons qu'un jour elle puisse revenir. Elle est l'artiste invitée permanente du Festival. Nous avons eu quelques autres artistes qui ont été programmés d'une année sur l'autre. c'est le cas de José de la Tomasa car il a été tellement magnifique l'année dernière; son retour a été presque une demande du public. Cette année, il a présenté son fils dans le spectacle 'De la misma sangre' ('Du même sang) pour donner une alternative au cante avec son fils Gabriel. Il a été magnifique. Pour résumer, nous ne sommes ni pour ni contre le fait de répéter des artistes d'une année sur l'autre. Cela peut se faire parfois.

- Votre engouement pour le Flamenco, d'où vient-il?

- Je suis andalou. Je suis né à Granada. Mon père était médecin à l'époque où le Nord du Maroc était sous protectorat espagnol et le sud, sous protectorat français. Il a exercé la médecine au Nord du Maroc; j'ai donc été élevé là bas, tout en étant espagnol andalou. Dans ma famille, il n'y a aucune culture Flamenca. Néanmoins, mon père était un mélomane total. Il écoutait beaucoup de musique classique. Ma mère écoutait de la musique cubaine, à l'époque. Nous écoutions aussi de la guitare classique: Segovia, Albeniz, Falla etc. A l'âge de 17 ans, je suis parti étudier à l'université de Sevilla et c'est la que j'ai découvert le Flamenco. ça a été le grand choc de ma vie. Je me souviens avoir été dans un bar qui s'appelait 'la Cuadra', à l'époque. Il y avait un fête où les cantaores Antonio Mairena , Manchon de Marchena et Paco Toronjo étaient présents. Il n'y avait pas de guitare car elle était un peu méprisée à cette époque. Les chanteurs n'en avaient pas vraiment besoin. Ils s'accompagnaient avec les mains sur le comptoir. Parfois, il y avait un grand guitariste de Séville 'El Poeta'. C'est lui qui m'a découvert derrière un mur en train de regarder et d'écouter avec des grands yeux tous étonnés. On m'appelait 'El Niño' car malgré mes 17 ans, j'avais un look un peu enfantin et on me donnait quelques années de moins. Je portais toujours une guitare avec moi. Je leur donnais ma guitare et ils jouaient avec ma guitare. Cela me donnait le droit d'être un peu plus près d'eux. Au fur et à mesure, je me suis intégré dans le monde du Flamenco d'une manière très naturelle, sans rien attendre en retour. Par la suite, j'ai voulu aider les artistes, alors, l'argent que je gagnais en travaillant dur, je le dépensais avec eux pour les aider ou pour leur organiser des voyages sans but lucratif de ma part, à l'époque. c'est ainsi que, peu à peu, les choses m'ont amenées à faire de cette passion, je ne dirais pas une profession, mais au moins une activité qui me permette de mettre ma passion, mon énergie et mes connaissances au service d'un projet aussi beau que celui du Festival 'Arte Famenco' de Mont de Marsan.

- Pourriez-vous nous donner quelques indications sur la prochaine édition du Festival Arte Flamenco?

- C'est un peu tôt pour en parler. J'ai tout de même quelques idées mais la programmation s'élabore petit à petit. Mes idées, je ne les montre pas avant de parler avec l'équipe. En règle générale on essaye de tout boucler pour la fin novembre...c'est donc pour bientôt. Tout ce que je peux vous dire c'est que nous vous réservons de belles surprises.

- Merci Javier et à très bientôt.