Musique Alhambra

L'Actualité du Flamenco

 

  

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Interview de Karine Gonzalez réalisée par Isabelle Jacq, en octobre 2007, pour Musique Alhambra:

 

 

- Je souhaite tout d'abord te remercier pour le très beau spectacle que tu as présenté au public de planète Andalucia. Pourrais -tu nous préciser tes intentions artistiques dans cette création nommée 'A Compas del Corazon'?

- C'est un spectacle qui est né il y a quelques années, suite à une période de travail intensif à l'école' Amor de Dios', à Madrid. C'est tout d'abord le fruit de ce que j'ai appris. De plus, du fait de mes nombreuses influences artistiques, j'avais envie de me retrouver dans le flamenco, de cristalliser ce que j'avais engrangé au travers d’un spectacle. Je souhaitais aussi donner ma sensation du flamenco, art qui est si complet et intense car il offre tout l’éventail de sensations et d'états que l'individu peut vivre.

- Pourquoi ce titre 'Al compas del Corazon', ‘au rythme du cœur’?

- Ce spectacle retranscrit des états quotidiens comme des états métaphysiques. Quand on écoute les letras, on parle de la vie et d'états plus transcendantaux. 'A compas del corazon' c'est tout cela ; c'est en même temps l'être et l'exister , le 'Ser' et le 'Estar' de la danse et de l'art. C'est un dialogue avec ces deux dimensions. Le Flamenco est une des danses  qui nous permet le plus en tant qu'artiste de nous exprimer. C'est un miroitement qui est toujours différent puisque chaque jour est différent, on est influencé par un bonheur ou un autre état en fonction des évènements de la vie. La magie du Flamenco c'est qu’il vibre avec les instants que l'on vit.

- Donc dans ce spectacle, tu exprimes ton ressenti sur la vie et tes états...

-  Oui, et il y a aussi quelque chose de plus profond et de plus général car, même si je ne suis pas gitane et que je n'ai pas été exilée, on vit tous des moments de solitude ou de douleur. Nous pouvons donc comprendre ce que le Flamenco exprime.  Ce spectacle est aussi un message en hommage aux gens que je connais ,à mes proches, à des communautés: la communauté gitane et iranienne

- Il y a différents tableaux dans ce spectacle. Comment as-tu structuré ces différents moments?

- J'avais envie de passer par plusieurs états différents et chaque état est représenté par un compas. Ce qu'il y a de très fort dans le Flamenco c'est que chaque compas détermine un état et des sensations précises. Je passe de la solea por buleria à l'Alegria qui ont des compas assez similaires mais qui sont accentué différemment. Les letras et la tonalité sont différentes puisque l'Alegria est en majeur et la Solea por Buleria est  en mineur et celle -ci est plus ancrée dans le sol. L'Alegria glisse plus. Je passe de la gravité à la joie. La solea por buleria n'exprime pas seulement de la gravité. C'est grave et en même temps c'est rythmé et c'est plus festif à la fin. J'interprète aussi un  tango et une seguiryaLa Seguiriya exprime la gravité et l'austérité. C'est un état de recueillement. Los tangos exprime la fête.

- Passes- tu facilement d'un état à un autre quand tu danses?

- C'est un plaisir pour moi de passer d'un état à l'autre car j'ai un côté caméléon. J'aime bien jouer des personnages différents et, pour moi, le compas c'est comme un personnage.

- Lors du spectacle, tu apportes une chaise sur laquelle tu t'assois et tu danses assise por tangos avant de te lever pour continuer ta danse... C'est un passage remarquable. Peux-tu nous expliquer à quoi il correspond pour toi?

- C'est très ancien cette envie de faire un tango sur une chaise, car la chaise est très présente dans le Flamenco. Le chanteur est souvent assis. J'ai voulu rendre hommage à cette chaise. Quand le chanteur fait sa letra, il est assis et il finit souvent sa letra en se levant, comme pour exprimer une libération.

- Peux-tu nous parler de tes musiciens?

- kike, Mencho et Cédric Diot ont été là dès le départ de cette création. Nous avons appris à nous connaitre. J'aime beaucoup cette équipe. Kike, j'aime beaucoup ses falsetas et les mélodies qu'il crée. C'est aussi quelqu'un qui m'aide vraiment dans le travail musical, dans la structure des danses. Il est toujours le premier a vouloir répéter. J'aime cet esprit de travail. Cédric, je l'apprécie vraiment aussi car il y a en lui une forme de détente et de relaxation, ce qui est très agréable. Il crée des ambiances et il essaye toujours d'être en symbiose avec moi. Mencho exprime une émotion incroyable, il a une voix qui emporte et qui rempli toute une salle. La création' A Compas del Corazon' regroupe deux équipes que j'aime autant l'une que l'autre. L'autre équipe est constituée d’Edouard Coquart aux percussions, de Daniel Manzanas à la guitare, et d’ Alberto Garcia au chant.

- A la fin de ton spectacle, tu exprimes la pureté et la spiritualité et tu termines le spectacle par une touche joyeuse, est-ce pour exprimer ton tempérament optimiste?

- Oui, c'est une touche finale optimiste. Il y a comme des passages qui me permettent d'arriver à ce que je suis vraiment. Finalement, je suis quelqu'un d'assez métissé dans ma gestuelle et dans ma recherche et mes influences et j'aime bien passer par le Flamenco pour exprimer ce métissage. Cette pureté que tu as perçue, je l'exprime au travers le métissage.

- Tu pratiques la danse soufie aussi. Comment  intègres-tu les différentes influences dans ta danse?

- Cela fait une dizaine d'années que je travaille avec Shahrokh, un danseur iranien qui est sublime. C'est grâce à lui que je suis entrée dans l'univers de la musique, la poésie et la danse iraniennes et  la danse soufie. La danse iranienne ne peut être que spirituelle et évanescente car la poésie est toujours la base de la musique. La poésie iranienne regroupe des mystiques comme Rumi; cela nous transporte vers quelque chose de spirituel. J'ai été fascinée par cette musique et cette poésie. D'ailleurs, dans quelques mois, je vais présenter une création sur ce thème à Planète Andalucia  et je continue à faire des spectacles avec Shahrokh.

-Tu disais que le Flamenco est un art complet qui te permet de t'exprimer en globalité et qui te correspond vraiment. Pourquoi éprouves-tu le besoin d'aller vers d'autres formes de danses et de les métisser entre elles ?

- En fait, je pense que plus je vais vers d'autres danses, plus la couleur des danses ressort encore plus. Je raisonne comme cela. J'ai aussi besoin du Flamenco puro. Quand je vais en Espagne, je vais voir les anciens car j'apprécie beaucoup la tradition. Néanmoins, j'éprouve le besoin d'aller puiser vers d'autres influences. C'est mon côté explorateur. J'aime beaucoup chercher, explorer, voyager dans l'art. Le flamenco, c'est ma manière de cristalliser cette recherche car, le génie de cet art est qu'il peut se laisser influencer par beaucoup d'autres choses car c'est  très fort. J'aurai toujours cette envie d'aller voir d'autres danses pour peut-être mieux comprendre le Flamenco et le vivre plus pleinement . En ce moment, je travaille avec Nuria Rovira Salat , une danseuse orientale avec qui je vais faire une création qui sera présentée au mois de juin 2008 au Centre artistique 'Canal 93', à Bobigny. Nuria est une danseuse spécialisée dans les danses maghrébines  donc Berbères, marocaines. En travaillant avec elle, j'ai réussi à trouver des points communs dans l'énergie entre cette danse marocaine et certains aspects du flamenco, notamment le mouvement du bassin qui est très souple chez les gitans et gitanes quand ils dansent por tangos ; on retrouve cela dans la danse marocaine. La danse marocaine m'a permis de trouver cette souplesse du bassin. L'énergie des danses et le langage de certaines danses me permettent de plonger dans le Flamenco. La danse marocaine et le Flamenco ont en commun le fait qu'elles proviennent d'évènement privés et ce sont des danses populaires. Il y a donc beaucoup de choses communes.

- Le Flamenco a donc beaucoup d'importance pour toi, n'est-ce pas?

- Le Flamenco représente beaucoup pour moi. Déjà des racines, de par ma mère qui a des origines espagnoles. J'ai choisi le Flamenco, car, lorsqu'on est danseur de  Flamenco, on est danseur mais aussi musicien. J'ai fait beaucoup de musique. C'est le mode d'expression qui me correspond le plus car je suis danseuse et en même temps rythmicienne. J'aime beaucoup le  rythme, c'est un élément primordial. Le Flamenco représente mon mode d'expression le plus fort car on ne peut pas vivre sans les musiciens. On ne peut pas danser sans la musique. On est la musique et les musiciens sont la danse. La poésie est là, la mélodie et là, le rythme est là, c'est tellement complet , il y a aussi beaucoup de théâtralité...

- Quels sont les autres artistes où individus qui ont eu un impact important sur ta carrière?

- Je rends d'abord hommage à mes parents et à ma mère en particulier, car elle m'a amenée toute petite à la danse, au conservatoire, au théâtre. Elle m'a donné très tôt la fibre de la scène. Quant à mon père,  presque tous les soirs, il me jouait un morceau de piano; j'ai eu une chance incroyable de m'endormir avec des notes de musique; J'ai fait aussi beaucoup de solfège. Parmi les artistes avec lesquels le travaille, je citerai le danseur Shahrokh qui a joué, en quelque sorte, le rôle d'amphitryon ; il m'a  modelé. Daniel Manzanas fait aussi partie des artistes qui m'ont beaucoup aidé, en me faisant confiance et en m'intégrant dans ses spectacles. C'est un immense régal de travailler avec lui car il est à fleur de peau avec la danse.

- Tu as participé au tournage du film 'Vengo' de Tony Gatlif. Comment s'est déroulé ta collaboration avec ce réalisateur?

- Avec Tony Gatlif, nous  collaborons depuis une dizaine d'années maintenant. Cela a commencé par le film 'Vengo' . J'ai fait l’avant première de 'Vengo' à l'Olympia, puis l'avant première du film 'Exils' aux Bouffes du Nord où nous avons fait trois dates. La collaboration la plus récente s'est faite cet été pour la création du spectacle 'Vertiges'. Les représentations ont eu lieu dans des lieux magnifiques: les Arènes du Théâtre de Fourvière à Lyon, la 'Villa Adriana'  près de Rome, lieu sublimissime. Cela a été le moment le plus fort car je n'ai jamais vu un lieu aussi beau et imprégné d'histoire.

- Nous avons eu le bonheur aussi de te voir dans le spectacle de Sentires qui a obtenu un véritable succès et qui continue de tourner, n'est ce pas?

- Il y a plusieurs dates au mois de novembre. ‘Flamenco sous influences’ est un très beau spectacle et c'est une expérience formidable. Nous avons déjà fait 450 représentations, c'est quelque chose d'immense. La création était très intense, nous avons beaucoup travaillé chacune d'entre nous. Cela a été une découverte très riche sur le plan humain et artistique car nous avons du faire un travail important sur nous même. Chacune était chorégraphe et interprète de l'autre. Nous avions chacune ces deux facettes ; cela m’a donné envie de continuer à m'imprégner et de m'enrichir de la danse d'une autre danseuse et chorégraphe.

- Quand est-ce que le public pourra te revoir sur scène avec les autres spectacles?

- Je vais rejouer 'A compas del Corazon'  à l'Opus , 116 Quai de Valmy, à Paris et nous allons initier une série de dimanches Flamencos dans ce café- concert à partir de ce mois d'octobre. Nous jouerons ce spectacle dans le cadre d'une soirée espagnole qui aura lieu tous les derniers dimanches du mois, à partir de 17h. Cette représentation  sera suivie d’une soirée sévillane où le public sera convié à participer. De plus, une tournée est prévue à partir du mois de décembre dans l'ouest de la France. Concernant le spectacle 'Vertiges' de Tony Gatlif, nous le rejouons le 30 novembre et 1 décembre prochains, en France.

- En tant que danseuse, as-tu des projets dans le domaine cinématographique ?

- J'ai participé récemment au court métrage de la réalisatrice Nelly Barridon, court métrage dans lequel je danse avec Raquel Gomez et nous interprétons ensemble un duo Tango Flamenco. La présentation de l'avant première aura lieu en novembre 2007.

- Tu as une actualité très riche Karine.. .merci à toi et à très bientôt!