Interview de
Rafael Campallo réalisée par Isabelle Jacq 'Gamboena'
pour Musique
Alhambra
Rafael Campallo
- Rafael Campallo, tu as
nommé ton nouveau spectacle 'Puente de Triana'. Triana,
est-ce ton lieu de naissance?
- Non, je suis né à Cerro del Aguila , un
quartier de Séville très Flamenco, où il y a beaucoup
d'artistes. En fait, j'ai choisi le quartier de Triana car
le Flamenco y est présent naturellement, et cela depuis très
longtemps. Triana porte ce parfum, cette vibration
permanente du Flamenco. Ce n'est pas seulement dans la
danse, le chant et la musique que l'on sent le Flamenco mais
c'est aussi dans la manière dont les gens s'expriment, leur
gestuelle. Je connais beaucoup d'artistes qui sont issus de
ce quartier. De plus, mon père et ma famille du coté
paternel ont vécu et grandi à Triana. Je suis entré dans ce
quartier à 14 ans pour étudier la danse avec Manolo Marin,
puis avec José Galván. Comme j'ai 35 ans, cela fait
plusieurs années que je fréquente ce quartier. Souvent, le
soir, je m'y promène car je m'y sens bien. Le titre de mon
spectacle évoque le pont de Triana car c'est un quartier
ouvert sur l'extérieur et que ce pont relie Triana à l'autre
partie de Séville. Il y a tant d'artistes qui sont passés
sur ce pont. En fait, par ce titre, j'exprime ma
reconnaissance envers Triana, ses artistes du passé et
d'aujourd'hui.
- Dans ton
spectacle, rends tu hommage à certains artistes de Triana?
- Je ne fais pas d'hommage à des artistes en
particulier mais c'est plutôt un hommage au Flamenco
historique et actuel de Triana, sans limite dans le temps.
- Comment as-tu construit
les chorégraphies de ce spectacle?
- Nous avons travaillé les palos qui
étaient très pratiqués à Triana et dont ce quartier tirait
sa force: la Seguiriya, le Martinete, le
Tango et Tanguillo, la Solea de Triana, la
Buleria. Nous commençons par un Tanguillo Puis, il y a un
Tiento et nous terminons avec un Tango de
Triana où nous laissons la place à l'improvisation. Adela
danse por Solea. C'est vraiment incroyable ce qu'elle fait.
Puis elle danse por buleria. Ensuite Isabel Bayon
interprète une Alegria où elle danse d'une manière
impressionnante. A Triana, les danseuses excellent dans le
maniement de la bata de cola. Elle montre
merveilleusement tout cet art. Dans ce spectacle, nous mettons tout en œuvre
pour nous fondre dans l'atmosphère de Triana et nous voulons
donner un reflet le plus complet possible de ce quartier. De
plus, nous sommes entourés de bons chanteurs, de bons
guitaristes et de bons palmeros. Les chanteurs
interprètent un Martinete et une Seguiriya,
puis le corps de ballet constitué de 4 danseurs et 4
danseuses s'expriment avec une liberté totale avant que nous
terminions tous par une courte prestation, chacun notre
tour.
- Le fait de danser à Mont
de Marsan, qu'est-ce que cela représente pour toi?
- C'est un honneur pour moi de venir danser
dans ce Festival mais cela me rend nerveux. La façon de voir
le flamenco est très intense, ici. Le public reconnait ce
qui est réussi de ce qui ne l'est pas, autant dans la danse que
dans le chant ou la guitare. Les gens applaudissent au bon moment et dans les
moments forts. Par exemple, lors du spectacle de Pastora
Galván, j'ai remarqué les moments où ils applaudissent
et pourquoi ils applaudissent. Il n'y a que les connaisseurs
qui ont ce genre de réactions. Applaudir un passage de
palmas parce que c'est très bien fait, réaliser que le
public apprécie ce genre de détail, c'est très
impressionnant. J'ai beaucoup moins la pression
quand je danse à Séville que quand je danse à Mont de
Marsan.
- Nous avons appris que tu
es papa d'un petit garçon. Qu'est-ce que la paternité a
changé dans ta manière de vivre la danse?
- Au début, cela m'a donné envie de me
poser un peu. Je me sens un peu différent sur scène depuis
que je suis père. Je ressens que j'ai acquis de la maturité
et que ma sensibilité est plus forte. Je profite plus
pleinement des moments où je danse. Avant, je travaillais 6
heures par jour. Maintenant, je travaille 3h, mais je
travaille d'une manière plus intense. Je profite beaucoup
plus des moments. Au fond, il y a plus de joie et de bonheur
dans ma vie.
- Merci Rafael, et à
très bientôt.
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