Accueil Al-Andalus  Flamenco Liens Contact Email
   

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Interview d'André Charbonneau

 en mai 2016

Réalisation: Isabelle Jacq Gamboena

 

 

A l'heure où les effets spéciaux, l'accumulation d'instruments et la surenchère musicale sont de mise, le guitariste angevin André Charbonneau prouve dans son nouvel album, que lorsqu'on a du talent, un instrument suffit pour élaborer une belle œuvre musicale. En effet,  dans son nouvel opus tout simplement intitulé "Flamenco", avec sa guitare pour seule compagne, André Charbonneau propose un album épuré et sans fioritures qui emporte l'auditoire dans l' ambiance colorée, contrastée et chaleureuse de l'Andalousie! Des mélodies suaves tout en étant résolument Flamencas, des sonorités portées par un jeu d'une finesse dont lui seul détient le secret, et le tout qui diffuse le parfum enivrant de cette Andalousie que nous aimons tant! Quel travail somptueux! Nous avons voulu en savoir plus sur cet artiste et sur son nouvel album qui nous ont véritablement conquis:

 

- André Charbonneau, après avoir sorti l’album Iles Canaries, en 2012,  tu reviens dans l’actualité musicale avec ton nouvel album intitulé « Flamenco ». Qu’est-ce qui a motivé l’élaboration de ce nouvel album et ton retour au Flamenco ?

- En fait, je n’ai jamais quitté le Flamenco. Mon dernier album date de 2010 juste avant mon disque sur les Iles Canaries. Assez naturellement, j’alterne entre un album de Flamenco et un album autre de guitare, mais toujours avec mes compositions. J’ai deux univers en moi que je ne peux pas forcement encore aujourd’hui réunir dans un même album mais j’y travaille…sans y travailler ! Bien entendu, je joue du Flamenco tous les jours, ça me met en forme ! Ainsi, pendant que je réalisais mon album de Timple canarien, il y avait déjà des choses en Flamenco qui se mettaient en place tout doucement. Et puis de toute manière, je tourne régulièrement avec mon spectacle « Olé ! » dans lequel je ne joue que du Flamenco !

- Comment un artiste originaire de la région angevine et qui y réside, comme c’est ton cas, a pu rencontrer le Flamenco et en être passionné depuis de nombreuses années jusqu’au point de continuer à en être inspiré comme nous le prouve ton nouvel album ?

- Ca a été un véritable coup de foudre ! Mon premier professeur de guitare, Drew Croon, auquel j’ai rendu hommage dans mon précédent album de Flamenco, m’a joué un jour un morceau de guitare flamenca. Cette musique et cette manière de jouer m’ont complètement bouleversé ! J’ai soudain ressenti le Flamenco comme le langage le plus approprié pour la guitare, comme né avec la guitare ! J’ai ensuite entendu en Andalousie nombre de merveilleux guitaristes souvent en soliste et c’est d’ailleurs là qu’est née cette envie du solo et du disque en soliste auquel je tiens particulièrement ! Depuis, après toutes ces nombreuses années passées là-bas à l’apprendre et à m’en imprégner, le Flamenco fait partie de moi et me quitte jamais ! On a sa culture d’origine mais on peut avoir aussi une culture d’adoption et pour moi, c’est le Flamenco. Si l’on travaille, elle nous le rend, elle nous donne quelque chose en échange. Aujourd’hui, je suis quotidiennement nourri par le Flamenco.

- Revenons à ton album qui est une évocation de l’Andalousie, comme nous le constatons déjà dans le choix des titres des morceaux. Qu’est ce qui a motivé cette thématique ?

- Je sortais d’un album en hommage aux Iles Canaries. J’avais choisi comme angle les lieux emblématiques et les légendes des Iles. J’ai énormément lu et me suis beaucoup documenté sur le sujet. Cela a d’ailleurs été passionnant ! Quand j‘ai abordé ce nouvel album, j’ai eu l’idée de faire un peu la même chose pour changer de mon approche habituelle du Flamenco ! Dans le passé, j’allais très souvent en Andalousie. J’y ai rencontré beaucoup d’artistes et j’ai vraiment vécu plein de choses merveilleuses là-bas ! Mais pour cette occasion, j’ai aimé lire et me laisser aller à rêver cette Andalousie là ! 

- C’est un album très coloré. Il y a des ambiances, des saveurs, c’est très imagé. Nous reconnaissons vraiment chaque ville à laquelle tu te réfères. Comment  as-tu fait pour extraire, dans ta musique, cette justesse d’évocation pour chacune de ces villes ?

- Au départ, influencé par ce que l’on entend tous actuellement, j’ai composé des morceaux un peu dans l’air du temps. Mais je me suis très vite rendu compte que cela ne me correspondait pas du tout. J’ai compris qu’il fallait que j’ai le courage de dire non à tout cela pour me permettre d’offrir autre chose, pour être le plus proche possible de moi. J’ai donc parcouru à nouveaux mes nombreux livres sur l’Andalousie, j’ai vu des films, des photos…Et j’ai commencé à tout visualiser musicalement. Des airs sont venus, des thèmes qui décrivaient des paysages ou qui racontaient des histoires. J’ai dû aussi parallèlement lâcher prise par rapport à ce qu’on attend et même ce qu’on exige aujourd’hui d’un guitariste de flamenco pour pouvoir tranquillement m’épanouir et créer mon univers et j’avoue que je suis assez fier de cette posture sereine ! M’est venue ensuite l’idée de choisir certaines villes comme titres et quel plaisir immense ça a été de faire se rencontrer mes airs avec ces villes et leurs légendes. Ce sont évidemment des noms de villes qui font rêver ! Et puis ça se partage très facilement avec tous car l’Andalousie fait rêver tout le monde ! Et je tiens énormément à ce partage. C’est une de mes raisons d’être et de jouer de la musique !

- Comment as-tu fait pour relever le défi d’offrir une diversité musicale dans un album solo, c’est-à-dire avec ta guitare pour seule compagne ?

-Tu te rends compte, en Andalousie, je prenais des cours particuliers avec Vicente Amigo qui vivait alors encore chez ses parents ! Il sortait déjà musicalement complètement du lot ! J’ai étudié aussi avec Manuel De Palma qui accompagnait El Pele, Paco Serrano qui m’a beaucoup appris de l’accompagnement de la danse, José Antonio Rodriguez, déjà en pleine recherche harmonique ! Et d’autres encore ! C’était merveilleux ! Quand j’arrivais chez eux ou dans les peñas ou dans les patios, je les entendais jouer de la guitare toujours en soliste. Je trouvais cela sensationnel de les entendre ainsi tout dire avec cette seule guitare !  

J’ai appris beaucoup de tous ces grands guitaristes mais surtout j’ai retenu que le plus important n’était pas de les copier mais de me mettre au travail comme eux pour chercher mon « toque » à moi ! C’est ce qu’on attendait de toi à l’époque et ça c’est très flamenco !

J’aime ce rapport étroit avec ma guitare, sorte d’introspection musicale ! Je prends beaucoup de plaisir à jouer cette guitare flamenco qui frise, qui craque ! Ce jeu un peu rude date d’un autre temps. C’est ce côté archaïque qui me fascine. 

Sans calcul, j’ai développé naturellement, par gout, mes mélodies presque exclusivement dans les médiums et dans les graves. Les aigus, je les utilise surtout pour marquer le rythme que j’adore. Je me ressens un peu comme un sculpteur mais avec de la matière musicale. Je crois avoir développé pendant toutes ces années une manière de jouer qui m’appartient et qui est un peu différente, malgré tout, de ce qui se fait actuellement. C’est ma manière à moi de jouer ce Flamenco que je respecte et cela prouve que l’on peut se l’approprier et se sentir libre. C’est ce qui fait aussi que c’est une grande musique !

Du coup, le choix de l’instrument est très important dans ma démarche. J’ai besoin d’une guitare vraiment typée, au timbre très colorée, en cyprès et ultra légère. Un instrument de là-bas, qui me donne tout de suite sur le plan sonore une identité très forte pouvant mettre en valeur mes compositions. La guitare devient le prolongement de mon corps, je ne fais plus qu’un avec elle et c’est parti pour des heures de musique !

- Parcourons chaque thème de ton album pour mieux en connaitre le contenu…

- Je ne souhaitais pas associer systématiquement le palo qui correspond à la ville. « Ronda » est le premier thème. J’ai composé un refrain original sur un rythme de Buleria. Il évoque cette ville pittoresque , perchée sur une falaise, une ville d’aventure avec ses bandoleros. Pour « Sevilla », j’ai choisi cette fois-ci d’associer le palo ! C’est quasi incontournable ! J’avais en plus depuis longtemps envie de composer des sevillanas et dans ce contexte imagé, je me sentais libre et heureux de le faire ! J’ai eu à cœur qu’elles soient agréables pour la danse ! Pour « Jaen », ville un peu plus discrète, j’ai raconté une belle histoire sans souci de palo précis mais je l’ai jouée de manière très flamenca ! Pour « Cadiz », j’ai repris à mon compte le Tanguillo typique et traditionnel évoquant le Carnaval et la fête et j’ai changé un peu les harmonies pour le personnaliser et lui donner une autre humeur ! Pour « Huelva », j’ai composé une Buleria très mélodique uniquement en arpèges pour célébrer le fameux départ vers les Amériques. Pour « Granada » imposante avec son Alhambra, son Sacromonte, j’ai créé une autre Buleria très sonore et festive ! Pour « Almeria », j’ai composé une sorte de Taranto très hiératique dédié à cette province où l’on a tourné tant de films hollywoodiens qui nous ont fait rêver, là encore ! Pour « Cordoba » qui est ma ville de cœur, j’ai flâné tout doucement autour du palo de l’Alegria  en préférant des harmonies légèrement dissonantes. « Malaga » est le dernier thème et c’est une rumba ! Je l’ai voulu chantante, évidente ! Elle déclenche immédiatement le sourire, les palmas et fait bouger les gens.

- On ressent beaucoup de douceur et de délicatesse dans ta musique. C’est un album très agréable à écouter. Dans quelle mouvance aspires-tu à te positionner : dans un Flamenco contemporain, un Flamenco traditionnel ou  un style personnel issu de ton expérience et de ton histoire personnelle ?

- C’est la troisième proposition. Le Flamenco traditionnel, je l’adore car il est vrai ! Le Flamenco moderne me séduit plus qu’il ne me touche. Ses virtuoses m’impressionnent un peu comme tous ces effets spéciaux au cinéma dans les films à la mode ! Mais moi, je préfère voir un bon Woody Allen ! J’ai passé l’âge des effets spéciaux et j’avoue que toute cette virtuosité souvent mise en avant ne m’intéresse plus trop ! Ce que tu dis à propos de mes mélodies et de ma manière de jouer me touche beaucoup car c’est vrai que je cherche autre chose. L’intérêt c’est qu’on fasse tous du Flamenco mais de façon différente, chacun avec son histoire et son talent ! Et que tout ça cohabite ! C’est tellement agréable de se rencontrer entre compositeurs guitaristes et de pouvoir échanger sur nos créations respectives !

- Dans ton actualité artistique, tu proposes aussi un spectacle nommé « Olé ». Quels sont les thèmes que tu abordes et que présentes-tu au public dans ce spectacle?

- Je suis venu par étape à ce spectacle qui je pense est un peu unique en son genre. J’ai commencé en passeur, avec beaucoup de pédagogie par une prestation intitulée « André Charbonneau joue et raconte le Flamenco » puis ça a évolué très vite de par ma personnalité vers autre chose ! Comme j’ai en plus un passé de marionnettiste et de magicien, j’ai souhaité retrouver d’anciennes sensations de scène en dehors du simple jeu de guitariste ! Je me suis mis à écrire un nouveau spectacle sous la forme d’un « show » ou je parle autant que je joue ! En fait je cherche à cultiver les gens sur la chose andalouse tout en les amusant. Comme dit le comédien Michel Bouquet : «  N’oubliez pas que le public ne vient pas pour vous voir jouer mais pour jouer avec vous ! ». Je raconte des anecdotes, je leur fais clamer le fameux «Olé » lequel ponctue un spectacle qui se déroule sous forme de sketches. Il y a des moments musicaux où je prête des instruments aux gens, des moments magiques avec de la prestidigitation, de l’humour. Le public démarre au quart de tour ! On peut passer d’un morceau de guitare très profond  comme une Seguiriya à un sketch complètement débridé où les gens font les clowns sur scène ! Et le fait d’alterner les genres fait que le public est très à l’écoute des moments de guitare. Souvent, je réunis à la fois les enfants, les parents, les grands parents sur scène ! C’est plein de vie comme dans les fêtes andalouses !

- Ton album va-t-il sortir bientôt?  et dans quels pays ?

- Il sort le 13 mai. On le trouvera aux Etats Unis, au Japon, à Taiwan, à Hong Kong, au Canada et dans plusieurs pays d’Europe.

- Est-ce qu’on peut l’acheter sur internet aussi ?

- Oui, il sera en téléchargement sur toutes les plateformes. Alain Normand est un très bon producteur qui connait bien son métier. Il est de la vieille école ! Il a plusieurs Labels : Sunset-France, Playasound et Air Mail Music. Il me suit depuis mes débuts et je l’en remercie ! C’est lui aussi qui a choisi la photo qui est sur la pochette. Il m’a fait découvrir l’importance d’avoir une pochette attractive pour rencontrer d’autres publics ! C’est un peu à l’image de mon spectacle  « Olé ! » finalement. 

- Quelles sont tes prochaines dates de tournée?

- Je me produis en concert le 19 mai prochain au Centre Culturel Brassens à Avrillé (49) pour fêter la sortie de mon album. Quant au spectacle « Olé ! », je le jouerai le 4 juin prochain à 17h30 pour le Festival en Jardins de Lailly en Val (45) près de Beaugency.

- Merci André pour ce moment que tu nous accordé. Toutes nos félicitations pour ton travail et pour ce nouvel album qui va surement rencontrer un véritable succès !

- Merci à toi Isabelle pour ton écoute si précieuse dans ce monde du Flamenco dont tu élargis les frontières ! 

Biographie et la discographie d'André Charbonneau: Cliquer ici

Contact artistique d'André Charbonneau:

Tel: 02 41 34 59 43

Email: andrecharbonneau.ole@gmail.com