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Interview de Iasonas Damianos réalisée par Isabelle Jacq 'Gamboena', en mars 2011,  pour Musique Alhambra

 

 

C'est à Séville que nous avons rencontré Iásonas Damianós, danseur Flamenco au regard lumineux et à la gestuelle énigmatique. Alors qu'il nous ouvrait les portes de son studio de répétition situé en plein cœur de Séville, nous avons assisté à une séance de travail telle qu'il la réalise  au quotidien. Le voir danser et le fait d'avoir eu un entretien avec lui  nous permirent de ressentir pleinement la passion profonde qui anime ce danseur dont le talent, la sincérité et la personnalité nous ont conquis.

- Iásonas , comment as-tu découvert le Flamenco et quelle fut ta formation?

- Mon premier contact avec le Flamenco eut lieu par hasard, dans une académie d'Athènes. Peu de temps après, j'ai commencé à approfondir cette danse, en fonction des informations, des moyens et des possibilités qu'il y a en Grèce. Je me formai avec des professeurs de différents styles et je fis mes premiers pas dans le monde de la scène, porté par une véritable aficion et malgré mes connaissances un peu limitées, à cette période. Lorsque j'eus la chance de découvrir l'art du maestro Andrés Marin, lors d'un stage qu'il donna en Grèce, je pris la décision de partir vivre à Séville. Ces dernières années, ma manière d'étudier, plus intensive que jamais, est d'avantage centrée sur une analyse des codes du baile, des cantes et de la tradition, toujours sous les conseils de personnes qui, par leur expérience, leur éducation et leur trajectoire, ont gagné mon respect et mon admiration. De ce fait, j'évite de collecter à outrance des pas, des chorégraphies ou des informations qui sont inutiles pour ceux qui manient le langage du Flamenco dans sa forme la plus essentielle.

- Quels sont tes maitres?

- Celui qui m'a transmis  l'amour du Flamenco, et qui, heureusement, continue à le faire, c'est Andrés Marin. Outre le fait que ce maestro Sévillan m'a formé au Flamenco, il m'a enseigné aussi le respect et l'humilité nécessaires pour continuer à évoluer et à apprécier pleinement cet art si profond. En règle générale, les grands Maestros et les artistes qui marquent l'histoire du Flamenco sont une source d'inspiration constante pour les autres et ils prodiguent leur enseignement avec générosité, ce qui garantit le fait que la qualité ne se perdra pas, bien que les temps laissent présager le contraire.

- Tu vis à Séville. Pourquoi as-tu choisi de t'installer dans cette ville?

- A mon avis, Séville est la ville qui offre le plus large éventail de possibilités dans le domaine du baile Flamenco. Ici, en plus de bénéficier d'une bonne qualité de vie, tout le monde peut recevoir une formation complète, tout en partageant l'expérience de ceux qui forment le panorama actuel du baile. On peut trouver différents styles, écoles, et philosophies sur cet art et sur la profession, éléments qui sont inhérents à la culture Flamenca.

- Comment se déroule une journée 'normale', pour toi?

- En plus des répétitions et des cours qui occupent la majeure partie de mon temps, la journée se déroule en suivant le rythme que mon corps m'exige. J'essaye aussi de passer des moments avec les gens qui rendent ma vie intéressante et agréable. Les amis. En prenant un café et en causant, autour d'un bon repas, une promenade sous le soleil. Le reste du temps, j'essaye de trouver le contact avec le Flamenco sans porter les chaussures de danse: un livre, un chant, un documentaire ou simplement une réflexion, c'est ce qui m'accompagne dans les moments les plus solitaires de la journée.

- Tu enseignes la danse, n'est-ce pas? Quelle importance accordes-tu à cet aspect de ton travail?

- Je respecte trop l'enseignement pour pourvoir l'intégrer dans mes activités professionnelles. J'ai 25 ans, il me semble que c'est un peu trop tôt pour pouvoir transmettre l'essence de la culture Flamenca. Dans le passé, j'ai donné des stages de danse en essayant, par dessus tout, de corriger certaines choses chez mes élèves (surtout dans les pays hors de l'Espagne), ces choses que personne n'avait corrigé dans mon baile à l'époque où je faisais encore certaines erreurs dans le Flamenco. Outre le fait que c'était un travail, cette expérience fut aussi une distraction et un apprentissage. Etre professeur est un métier dur, qui donne des responsabilités, et qui est sérieux. Cela exige plus qu'une bonne préparation au niveau technique et une courte expérience scénique. Je m'y engagerai lorsque je sentirai que je peux dédier tout mon temps et mon attention à cela.

- Quand as-tu créé ta compagnie Flamenca 'Mu.Danza' et qui sont les artistes qui la composent?

- Elle s'est crée il y a un an. C'est un projet qui est né dans notre studio de répétition, après des heures de travail et de recherche avec Yorgos Karalis, guitariste avec lequel je partage la majeure partie de la direction musicale. Il y a aussi Niño de Elche, un des plus grands cantaores de notre génération, le percussionniste Karo Sampela, un musicien doté de grandes facultés et d'expérience ainsi que le guitariste Javier Gomez, musicien qui apporte toujours le maximum afin d'obtenir le résultat attendu.

- Que souhaites-tu exprimer au travers de ta danse?

- Dans mon cas, les choses fonctionnent à l'envers, c'est pour cela que l'expression vient en second. En premier lieu, je crée des mouvements ou j'essaye de m'adapter à ceux que je connais déjà ou encore ceux que j'apprends, puis je tente de trouver leur signification. De cette manière, l'expression utilise l'intellect comme influence et non comme référence principale. Ainsi, le résultat sort de manière plus primitive. J'aspire à oublier mon identité de bailaor et, d'une manière neutre, de créer ce que la situation me permet, de former un équilibre entre l'expression 'crue' et les codes essentiels du Flamenco. La réponse est donc une question que je me pose à moi même: chaque moment de danse basé sur l'honnêteté est une expression unique mais, mes fragments, mouvements, réflexions, créations sur la danse, de quoi parlent-elles?

- Quel est ton objectif en tant que danseur?

- Epouser le moment, arriver à vivre par et pour le Flamenco.

- Comment décrirais-tu ton style de danse?

- Je suis dans une recherche continuelle pour trouver mon propre langage de mouvements, donc je ne pense pas qu'on puisse mettre une étiquette sur mon baile. J'essaye d'expérimenter des choses au niveau musical, je me réfère à la tradition au moment de choisir les cantes, et je suis libre dans ma manière de bouger, tout en respectant la culture pour que cela ne soit pas quelque chose de personnel qui ressemble au Flamenco, mais plutôt quelque chose de Flamenco qui soit personnel.

- Quelle importance accordes-tu à la musique et au rythme quand tu danses et quels sont les critères sur lesquels tu te bases pour choisir les musiciens qui t'accompagnent?

- La musique et le rythme sont deux éléments inséparable dans le Flamenco. Le bailaor qui reproduit simplement les sons sans le ressenti musical ou qui ne se préoccupe pas de son propre corps fonctionne comme un instrument de plus; alors, il perd une grande partie de la magie que peut offrir le Flamenco. Mais cela ne peut se faire sans l'aide des collègues. Personnellement, je choisis des personnes qui souhaitent partager avec moi l'aficion, la recherche, les moments heureux et durs que chacun peut rencontrer dans le monde de la musique et du Flamenco.

- Qu'est-ce qui t'inspire dans ta danse?

- En plus de la culture Flamenca qui alimente mon aficion et mes préoccupations, je porte un intérêt pour d'autres formes d'expressions qui stimulent ma danse. Il s'agit de la sculpture et de la poésie, éléments qui m'ont permis d'ouvrir mes fenêtres et d'apprécier d'autres types de paysages qui influent sur mes mouvements. J'éprouve de la reconnaissance pour le fait de pouvoir connaitre, les œuvres de sculpteurs comme  Jorge Oteiza, Richard Serra, Auguste Rodin, Constantin Brancusi, entre autres, et les poètes comme Odysseas Elytis, Charles Baudelaire, Lorca...

- Quel est ton point de vue sur le Flamenco actuel?

- A mon avis, le Flamenco continue à être un art qui s'adresse à une minorité, bien qu'il existe des artistes qui détiennent des facultés extraordinaires, cet art perd de la profondeur. La danse et la guitare sont, d'un point de vue technique, à leur meilleur moment (je ne sais pas si cela apporte quelque chose, au bout du compte) et le cante, l'élément le plus important de la culture Flamenca semble être devenu un diamant que l'on a dévalorisé. Je ne sais ce que le temps apportera, mais chaque fois que je regarde autour de moi, cela me donne envie de mettre mon mp3, un fandango d'El Carbonerillo et de rêver des années 20, quand l'art Flamenco était plus innocent qu'un enfant  et plus vrai que la mort.

- Quels sont tes projets?

- Mon unique projet est de pouvoir continuer à apprendre et apprécier chaque pas qui peut me rapprocher de l'essence de ma danse.

- Quels sont les mots qui pourraient définir ta manière de vivre le Flamenco?

- Aficion, dévouement, sincérité, recherche, travail, travail et travail...

- Merci Iásonas  et à très bientôt...

 

 

  Synopsis du spectacle 'IV': >> en Espagnol<<,  >> Anglais<<,  >>Français<< (prochainement)

  Contact artistique de la compagnie Mu.Danza : iasonas_damianos@live.com

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