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Interview de Jean-Louis Duzert réalisée par Isabelle Jacq

 'Gamboena' en juillet 2011,  pour Musique Alhambra

 

 

Jean-Louis Duzert, appelé 'Loulou' dans le mundillo, est une personnalité hors du commun. Outre le fait qu'il soit le photographe officiel du festival de Nîmes, il fait aussi partie intégrante du Festival Arte Flamenco de Mont de Marsan. En effet, ce monstre sacré de la photographie couvre chaque édition, et cela depuis le début. Chaque année, nous le retrouvons avec autant de plaisir car, au delà de son talent de photographe, sa personnalité chaleureuse et joviale fait qu'il attire la sympathie de tous. Lors de la 23ème édition d'Arte Flamenco, nous avons eu l'immense plaisir de découvrir une exposition qui lui était consacrée. En parallèle de cette exposition, un ouvrage intitulé 'Balada Flamenca' qui est paru lors de la 23ème édition du Festival Arte Flamenco et qui regroupe un grand nombre de ses photographies, complétait merveilleusement cette magnifique exposition. Tandis que nous parcourions l'exposition aux côtés de Loulou qui nous commentait chaque photo, nous étions subjugué par la qualité de son travail et par l'aficion qui émanait de cet artiste. Il nous fit aussi l'honneur de nous accorder l'entretien qui suit:

 

- Jean-Louis Duzert, comment as-tu découvert le Flamenco?

- Pendant 38 ans j'étais reporter au journal Sud-Ouest et j'ai découvert le Flamenco au cours de mes nominations. J'ai été nommé photographe pour les Landes. Je suis arrivé en 1988 à Mont de Marsan ; le premier festival d'Arte Flamenco a été crée en 1989; au début, j'ai  donc couvert cet évènement pour le journal. J'avais arrêté de faire des photos dans les années 2000 et  c'est Patrick Bellito qui m'a dit qu'il fallait que je me remette a la photo de Flamenco. C'est ainsi que je me suis remis à cette activité.
 

- Quelles étaient tes premières impressions sur le Flamenco, lorsque tu l'as  découvert?

- Je suis rentré difficilement dans cet art, la première année.  La 2ème année, j'ai essayé de comprendre, puis il y a eu des évènements, la fameuse soirée avec Camaron qui m'a fait passer de l'autre côté de la barrière et en particulier cette fameuse photo des mains de Camaron que j'ai réalisée. Elle a été le passeport pour entrer dans le monde du Flamenco. C'est grâce à cette image qu'on connait Jean-Louis Duzert et lorsque le public ouvre la porte de l'exposition, je l'entends dire: "C'est lui qui a fait la photo des mains de Camaron".

- C'est une très belle ouverture...

- Oui, et lorsque j'ai fait cette photo, je n'étais pas du tout conscient de la portée qu'elle aurait dans ma carrière de photographe. J'avais réalisé cette photo car j'étais intrigué par le croissant de lune et l'étoile que l'on voyait sur les mains de Camaron. Je me disais que je regarderais cela de plus près avec l'agrandisseur. A partir de là, en 91, 92 et 93, j'ai exposé au Festival de Mont de Marsan. J'ai été invité par la biennale de Séville qui avait vu mes photos pour la Biennale de 94. Après 95, j'étais au Centre Andalou du Flamenco à Jerez, au Centre Culturel de Lebrija, à l'Ambassade de France à Madrid.

- Le contenu de l'exposition que tu fais tourner est-il le même ou présentes-tu des photos différentes à chaque fois?

- Cette exposition n'est pas figée. Le principe et le module seront toujours celui-ci puisque c'est un investissement de cadres, de conception, mais je vais rajouter quelques photos à chaque festival.

- Pourquoi avoir choisi la 23 ème édition pour exposer dans le cadre du Festival Arte Flamenco?

- François Boisdron, le Directeur de la culture, m'avait dit, il y a 3 ans, qu'il aimerait réaliser un projet avec moi, à Mont de Marsan, car j'ai commencé à Mont de Marsan, que j'expose partout, à Nîmes, en Andalousie et que depuis quelques années on ne voit rien de mon travail, ici. Je lui ai répondu que je serais ravi de réaliser un projet ici, lorsque je serai à la retraite, mais tant que je suis en activité, c'est hors de question car je ne veux pas que l'on fasse un amalgame entre mon boulot de journaliste et le conseil Général. Lorsque le moment est arrivé il m'a demandé de lui proposer mes idées. Je lui ai donc précisé que j'aimerais réaliser un livre qui regroupe plusieurs de mes photos et réaliser une exposition qui puisse voyager. Et c'est ce que nous avons réalisé. L'exposition et le livre sont donc deux outils qui vont circuler ensemble.

- Nous aimerions en savoir un peu plus sur ce magnifique livre...

- Il est sorti en exclusivité pour Mont de Marsan et il sera en sortie nationale au mois d'octobre. Il est édité aux éditions IN8 et diffusé par Pollen en 3 langues: anglais, français, espagnol.

- Outre tes superbes photos, nous pouvons aussi découvrir des textes de Ludovic Pottier. Pourquoi l'as-tu choisi pour écrire des textes?

- Ludovic Potier est un aficionado et un enseignant qui anime une émission radio à Bordeaux qui s'appelle 'Falseta'. Comme je voulais mettre du texte et que les termes de celui-ci soient exacts, j'ai pensé à lui car je le connais très bien et il connait très bien le Flamenco.

- Quel est le concept de ce livre?

- Cet ouvrage est un cheminement complet à travers le Flamenco. J'introduis aussi des fragments, des portraits, à certains endroits.

- Dans ce livre, as-tu fait le choix du 'tout numérique'?

- Au départ, je ne voulais mettre que des photos numériques mais comme j'avais des images importantes en argentique, j'ai essayé de les incorporer et cela a bien fonctionné.

- Il en est de même pour l'exposition, n'est-ce pas?

- Oui, dans cette exposition, il y a 1 quart de photos argentiques.

- La scénographie de l'exposition est aussi très aboutie. Qui l'a réalisée?

- J'ai travaillé sur cet aspect avec l'équipe d'IN8, qui est un atelier de communication et qui est aussi mon éditeur. Le Directeur de cet atelier est un ami; nous avons imaginé ensemble tout le concept de l'exposition. Nous avons choisi des cadres métalliques satinés, façon bois. C'est de la digigraphie photographique, c'est à dire que chaque photo est numérotée et que les tirages sont en nombre restreint. Nous avons essayé de garder un peu le fil conducteur et le mouvement du livre car celui-ci était déjà fini et nous pouvions donc nous y référer.

- Pourquoi as-tu choisi de présenter tes photos en noir et blanc?

- Actuellement, la vision que j'ai du Flamenco est en noir et blanc. Je ne dis pas que le prochain travail ne sera pas intitulé 'couleurs du Flamenco'; donc je n'affirme rien de manière définitive, à ce sujet. Pour cette exposition, nous avons travaillé toutes les images, les gammes de gris. Nous allons du noir profond au gris le plus clair jusqu'au blanc. C'est du très beau travail; de plus, le papier que nous avons utilisé est un papier de haute qualité. Nous avons rajouté une marge pour aérer la photographie et nous avons choisi un cadre noir . J'ai choisi le format 50X70 cm dans les deux sens; j'avais fait aussi du 40x100 cm pour quelques triptyques car je souhaitais essayer des formats en hauteur. Finalement, j'en ai mis 4 ou 5 en hauteur et cela s'intègre magnifiquement à l'ensemble.

- Tu as rassemblé des photos d'époques différentes et nous voyons beaucoup de grandes figures du Flamenco, n'est-ce pas?

- Ils sont loin d'y être tous. Il y en a davantage dans le livre; pour l'exposition, il a fallu se restreindre.

- La danseuse Rocio Molina apparait dans plusieurs photos. Y a-t-il une raison particulière à cela?

- En fait, Rocio Molina, c'est ma danseuse fétiche. Je la trouve extraordinaire. J'ai suivi son parcours artistique et vu tout ses spectacles; en 5 ans, j'ai été témoin d'une évolution remarquable dans sa danse. Elle est en train d'ouvrir une palette très large sur le monde de la danse Flamenca tout en sachant revenir à la tradition. J'ai donc voulu montrer l'évolution des chorégraphies de cette danseuse. La photographie et l'exposition, c'est l'esthétisme, la belle image et il se trouve que c'est avec elle aussi que j'ai fait de très belles images.

- Rocio Molina a-t-elle vu cette exposition et les photos où elle est représentée?

- Oui, Rocio est venu et elle les a vues. Elle était très heureuse. Hier, quand je suis arrivé, elle m'a embrassé. Nous avons beaucoup communiqué ensemble. Ma démarche artistique consiste à montrer l'artiste sur scène mais aussi chez lui; cela me rapproche encore plus des artistes que je photographie.

- Dans cette exposition, tu n'oublies pas la tradition, n'est-ce pas?

- Oui, bien sur. Pour moi, les plus grandes danseuses du Flamenco traditionnel, c'est Carmen Ledesma et Concha Vargas. Quand elles sont sur scène, c'est toute la puissance, la force et l'élégance du Flamenco que l'on voit. Cette photo qui est là-bas (Ndlr: Jean-Louis désigne une photo exposée) elle représente tout de Carmen Ledesma, de la gitane. Si tu m'avais demandé de te représenter une montagne, je t'aurais désigné les photos Rocio Molina. Si tu m'avais demandé de représenter une gitane, j'aurais photographié Carmen Ledesma, et ces photos, je les ai faites. J'ai eu beaucoup de chance de voir et côtoyer tous les piliers du Flamenco: Carmen, Concha, Pedro Bacan, Chano Lobato, Chocolate, Fosforito, Cristina Hoyos et bien d'autres. Au fur et à mesure, j'ai vu arriver tous ces jeunes. Cette exposition n'est pas un album souvenir. Elle rassemble des photos des flamencos traditionnels et aussi les nouvelles tendances, les grandes figures actuelles.

- Après Mont de Marsan, où pourrons-nous voir cette exposition?

- Cette exposition va tourner dans plusieurs villes. Elle va aller à Nîmes en janvier 2012, elle sera à la Biennale ou à l'Agence du Flamenco à Séville. Je suis en pourparler avec Amsterdam et Chaillot l'année prochaine et peut-être les Etats-Unis aussi.

- Félicitation... Quel est ton regard sur ce travail que tu exposes actuellement?

- C'est l'aboutissement d'un travail sur 20 ans, mais cela représente un millième de mon travail de tous les jours.

- Ton sentiment sur ton travail de photographe?

- Je suis reconnu dans mon travail. Quand j'arrive à Séville ou à Jerez, tous les gens du mundillo me reconnaissent. J'apporte un certain regard sur le Flamenco. Mes images ne ressemblent à aucune autre. Montrer une photo en entier, cela m'a toujours déplu. Il faut garder un mystère, donner un flash sans donner tous les éléments. C'est pour cela que j'aime particulièrement les gros plans.

- Oui, c'est ce que nous constatons aussi dans cette exposition. Merci Loulou, et à très bientôt...

- Merci à toi.

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