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Chaque sortie d' album de Juan Carmona est
un évènement très attendu dans le monde musical. En effet, chaque création du maître
de la guitare Flamenca apporte de nouvelles couleurs à sa
palette musicale et ouvre de nouveaux horizons dans l'univers du
Flamenco. En signant son douzième opus intitulé "Zyriab 6.7",
Juan Carmona atteint le sublime au travers de onze thèmes dont
la puissance poétique et musicale est indéniable. Dans
cette création, Juan nous convie à un voyage musical aux
parfums orientaux et Flamencos pour rendre hommage à Zyriab,
l'illustre poète et musicien du 9 ème siècle. Nous avons
retrouvé Juan Carmona quelques mois après la sortie
de cet opus et c'est avec un immense plaisir que nous partageons l'
entretien qui suit:
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- Bonjour Juan Carmona, nous sommes ravis de t'accueillir en
région parisienne pour la sortie de ton album "Zyriab 6.7" qui
est un évènement dans le milieu du Flamenco et dans le milieu
musical en général. C'est un album qui est magnifique sur
plusieurs aspects. Comment ce projet est-il né?
- En fait, en 2015, l'UNESCO m'a remis le Prix Zyriab. J'avais
entendu parler de Zyriab et tout le monde sait que Paco de Lucia
avait fait un titre « Zyriab », mais je ne savais pas vraiment
qui était Zyriab. Donc en 2015 on me remet ce
prix
en me précisant que je suis le seul européen à l’avoir
obtenu car pour l'instant il n'a été donné qu'à des grands
musiciens du monde arabe. Alors, je me suis dit qu'un jour je
fouillerai un peu pour savoir qui est Zyriab. Il y a deux ans,
quand la pandémie arrive, tout est annulé, le monde du spectacle
s'arrête et je me retrouve dans mon jardin et me demande ce que
je vais bien pouvoir faire pendant cette période. J'ai la chance
d'avoir mon studio chez moi. J'ai pensé que c'était peut être le
moment de me pencher sur le projet de savoir qui est Zyriab. Je
me suis donc informé et j'ai trouvé cela extraordinaire parce
que non seulement Zyriab était un musicien poète du 9 ème
siècle, mais en plus c'est grâce à lui que beaucoup de choses
sont nées, des choses qu'on utilise au quotidien, et les gens ne
le savent pas.
- Comme quoi par exemple?
- C'est lui qui a amené les premiers conservatoires en Europe,
c'est lui qui a inventé les premiers instituts de beauté pour
les femmes, c'est lui qui a inventé l'ordre des plats. En fait,
en plus d’être un grand poète et musicien, il excellait dans
d’autres domaines aussi: la gastronomie, la mode, mais aussi
l’astronomie. Maintenant je reviens à l'aspect musical : c’est
l'inventeur de la musique arabo andalouse, c'est donc
l'inventeur des Noubas. Il a apporté la cinquième corde à l’Oud.
C'est aussi un poète extraordinaire. Je me suis donc dit qu'il
méritait un hommage. Il est né à Mossoul, en Irak, au 9 ème
siècle. Il prend des cours et son maitre est jaloux de lui. Via
le Kalife de l'époque, il le rejette du pays. Zyriab va donc
partir et traverser différents pays: l'Algérie, le Maroc, le
Liban, et d'autres pays. Le concept du disque c'est qu'à chaque
pays où il est passé j'invite un artiste emblématique de ce
pays. Il est passé au Liban, j'ai invité Ibrahim Maalouf ; il
est passé au Maroc, j'ai invité Rachid Zaroual grand joueur de
Ney. En fait Zyriab est né en Irak et il a fait un long parcours
durant son exil. Sa dernière étape c'est Cordoue, c'est là
qu'il va mourir.
- Juan, on peut dire que tu as collectionné les prix
internationaux. Tu parlais tout à l'heure du Prix Zyriab des
virtuoses, tu as remporté aussi le prestigieux prix de la
Buleria de Jerez, tu as été finaliste des concours de la Union
de Cordoba, tu as reçu le Prix Charles Cros ainsi que plusieurs
nominations aux Latin Grammy Awards, tu as remporté aussi le
Grand Prix Paco de Lucia. Ces prix là, est-ce qu’ils t’ont
ouvert une porte?
- Dans le cas de Zyriab, oui, mais pour tous les prix que j'ai
gagnés avant, c'est sur que ca fait toujours plaisir. Un des
premiers prix importants que j'ai gagné c'est le premier prix de
la Buleria de Jerez de la Frontera. J'ai eu aussi le prix Paco
de Lucia à Madrid; ça fait plaisir mais je ne m'arrête pas à
cela. Un artiste a besoin de créer, de se confronter, il a
besoin d'être constamment en recherche. Il ne peut pas perdre du
temps avec cela. Ces prix sont une motivation pour continuer
mais je passe vite à autre chose. J'ai l'impression que le temps
passe vite et que je n'ai pas encore fait grand chose après mon
douzième album. Ce besoin de créer est vraiment important!
- Pourrais -tu nous parler un peu plus de ton lien avec Zyriab?
- Ce qui m'a plu dans ce personnage, c'est qu'il s'intéressait à
beaucoup de choses. Il est très ouvert et je me reconnais en
cela. J'ai besoin de comprendre les choses et de m'ouvrir. C'est
ce que l'on retrouve dans ma musique. Cette ouverture, les gens
ne la comprennent pas toujours. J'ai fait des tournées avec
Agujetas, le chanteur le plus orthodoxe qui puisse y avoir. Je
suis ravi d'avoir appris et de m'être nourri de cette tradition
du Flamenco mais cela ne m'empêche pas de jouer avec Al di Meola
dans deux mois. Tu vois l'écart qu'il y a entre Agujetas et Al
di Meola! J’ai besoin de cela. Ce n'est pas pour autant que je
renie la tradition ni que je regarde la modernité avec un regard
hautain, non, pas du tout. J'ai besoin de ces deux mondes et
j'ai besoin de cette ouverture. Zyriab, j'ai ressenti qu'il
était un peu comme cela aussi, qu'il est ouvert sur plein de
domaines et en avance sur son temps. C'est ce qui me plait
beaucoup chez lui.
- Il y a plusieurs invités de marque dans ton album: les
artistes Flamencos tels que Dorantes, Duquende, El Pele, il y a
aussi des artistes d'autres univers: Nasser Shamma, Wissan
Joubran ou encore Youba Adjrad. Sur quels critères as-tu choisi
ces artistes pour enregistrer cet album avec toi?
- Tous ces artistes, qu'ils soient issus du monde du Flamenco ou
du monde oriental, ils avaient un point en commun. Pour la part
des artistes Flamencos ils avaient un énorme respect pour cette
musique orientale et pour ce projet. Pour ce qui est des
musiciens orientaux, par exemple Youba Adjrad, c'est un grand
fan de Camarón de la Isla. Il chante
por Buleria, il est fan et
il adore cela. Il a une réelle passion pour le Flamenco. Quant à
Ibrahim Maalouf, quand il est venu me voir, j'ai découvert qu'il
connaissait aussi le Flamenco. J'étais agréablement surpris.
Tous ces musiciens ont un énorme respect pour le Flamenco, et
les Flamenquistes ont un véritable respect pour les musiques
orientales.
- Il y a eu aussi probablement une belle complicité entre vous,
j'imagine...
- Oui, tout à fait. Sur le plan humain, artistique et
philosophique, cela fonctionnait très bien entre nous.
- Tu as pris combien de temps pour réaliser cet album?
- La composition, je l'avais plus ou moins définie. J'ai
toujours des idées d'avance que je mets de coté et, pour
certaines, je savais qu'elles concernaient ce projet "Zyriab
6.7". Puis, j'ai affiné. Ce projet a mis trois ans pour voir le
jour. Pour la production, il y avait du travail aussi car il y
avait le Liban, le Maroc, l'Algérie, la Turquie, la Palestine,
l'Espagne. Cela a pris beaucoup de temps pour organiser cette
production.
- Dans le titre « Zyriab 6.7 », que signifient ces chiffres
énigmatiques?
- Zyriab est né à Mossoul et il est mort à Cordoue. Distance
entre l'Iraq et Cordoue: 6743 km. Il s'agit donc du kilométrage
mais c'est aussi un clin d'œil à la modernité. C'est un projet
sur la tradition menée par quelqu'un comme Zyriab qui a une
vision moderne et j'avais envie de le souligner avec ces
chiffres 6.7.
- "Zyriab 6.7" est un album très poétique où l'on sent les
ambiances différentes faisant référence au voyage. Prenons par
exemple le thème "Llave de tu corazón
" dont tu as réalisé un magnifique vidéo clip. Pourrais-tu nous
en dire un peu plus sur l'élaboration du thème, et nous préciser
la signification qu'il a pour toi?
- Déjà le titre "Llave de tu corazón"(La
clé de ton cœur) évoque le fait que pour aimer il y a quelque
chose à deviner de l'autre. Or, pour le deviner, le comprendre,
pour l'aimer, il faut une clé, la clé de son cœur. Dans les
textes orientaux, l'amour est comme cela. J'ai voulu exprimer
cela avec un Tiento évoluant en Tango. Le Tiento chanté en
oriental par El Pele et la partie Tango où les deux viennent
fusionner et tout cela soutenu par Istanbul string, un orchestre
à cordes magnifique!
- Parle-nous d'un autre thème de ton choix, s'il te plaît…
- Un des titres que personnellement j'aime beaucoup même si
j'aime aussi "Llave de tu corazón",
c'est "Salam", qui veut dire la paix. Le monde a vraiment besoin
de cela, encore plus avec ce qui se passe en ce moment. On a
besoin de revenir aux choses de la terre. Ce thème est un genre
de Buleria lente où je suis accompagné par le magnifique
Dorantes avec des voix orientales avec un rythme qui pour moi
reste essentiel dans ce cas là et qui a besoin d'assise avec le
compas de Jerez, avec le fils de Diego Carrasco, avec la bande
de Jerez que j'appelle "crac" et avec à la fin, un petit clin
d'œil à Manuel de Falla, pour les connaisseurs. C'est justement
la modernité qui vient. Manuel de Falla avait énormément
d'avance musicalement. D'ailleurs, pour les gens qui connaissent,
Paco de Lucia s'est beaucoup inspiré de lui. Dans son jeu, il
avait une petite touche de Falla, et ça j'adore. J'ai donc voulu
apporter cette pointe de modernité à mon tour.
- De quel autre thème souhaiterais-tu nous parler?
- J'aimerais parler d'"Agua dorada" avec Ibrahim Maalouf. Zyriab
signifie « eau dorée », « Agua dorada » en espagnol, d’où le
titre du thème. C'est un thème qui a grandi à chaque fois. Quand
je l'ai composé il sonnait d'une façon particulière dans ma
tête. La création c'est quelque chose de terrible car quand tu
crées, tu entends la musique mais après, quand tu la réalises,
la réalité elle revient là. Ce thème a évolué au fur et à mesure
que les artistes sont intervenus, grâce à des gens comme Ibrahim
Maalouf, mais on peut citer aussi Duquende. J'ai un souvenir de
lui à l'époque où l'on enregistre "Borboreo", dans les années 95.
Camarón était mort il n'y a pas si longtemps. On est en train de
régler les micros puis un moment donné je me retourne et
Duquende fait une letra de Camarón. Je te promets que
j'ai eu la chair de poule tellement sa voix était similaire à
celle de Camarón! Isidro Munoz, producteur des films de Saura,
était présent. On s'est regardé avec un sourire en se disant "Il
est là". Duquende a vraiment quelque chose d'exceptionnel
dans sa voix. C'est sûr
qu'avec Duquende, le thème "Agua dorada"
prend toute son ampleur. Avec les envolées d'Ibrahim Maalouf,
avec la voix de Youba, avec le compas jerezano,
tout cela fait que le thème me
plaît
beaucoup.
- Un autre thème à décoder ? si tu veux bien...
- Alors je vais parler d'un thème que je n'ai pas composé, c'est
le seul et c'est important de le souligner aussi. J'ai fait une
version de "Ya Rayah" qui est un thème au départ arrangé par
Rachid Taha. A l'origine, c'est un thème très commercial et
incontournable qu'on écoutait sur toutes les radios. J'ai voulu
le mener sur un terrain complètement autre et je suis très
satisfait du résultat aussi car, musicalement, j'avais envie qu'il
y ait plus d'élégance, plus de finesse, plus de retenue. Au
départ c'est un quatre temps du style Rumba et moi j'en ai fait
un Tango qui passe por Buleria et l'auditeur ne se rend
pas compte de ce qui se passe. Je commence por Tangos, je passe
por Buleria, je reviens por Tangos et tout cela fait
magistralement par tous les artistes de Jerez: il y avait le
fils de Diego Carrasco, il y avait Juan Grande, Louis Perriqui
enregistré à Jerez. Tu imagines: tout prend son sens! C'est un
thème que j'aime beaucoup.
- Tu parles d'ouverture, de rencontres mais en même temps tu
parles de tradition, des palos. Il y a à la fois un
ancrage très puissant et beaucoup de modernité dans ta musique.
C'est un savant mélange entre la modernité et la tradition.
Comment est-ce que tu te situes à ce sujet?
- Quoi qu'il en soit, je pars de la tradition sur tous les
plans: historique, philosophique,.... Si je fais une Taranta,
c'est une Taranta. Si je fais un Martinete, c'est
un Martinete. Même si je lui garde cette racine qui est
hyper Flamenca, hyper structurée, il me vient une idée
harmonique et mélodique qui fait partie déjà d'un autre temps.
Et là, je vais chercher un musicien précis. Dans le cas du
Martinete, je vais chercher Rachid Zeroual avec le Ney. Le
Ney, il ne se ballade pas de tons en tons mais de quart de tons
en quart de tons. Un flamenco, quand il chante, il ne va pas de
demi tons en demi tons mais il va passer par une sorte de quart
de ton qui ressemble beaucoup à cet instrument que je veux lui
apporter: le Ney. Ma part de modernité, elle est là. Je vais
chercher harmoniquement et je vais chercher des instruments qui
sont modernes tout en ayant un regard sur la tradition.
- "Zyriab 6.7" c'est aussi une ode à l'ouverture des cultures
comme tu le disais tout à l'heure. Y a-t-il d'autres messages que
tu souhaites faire passer dans cet album?
- Moi j'ai envie de faire passer le message d'ouverture et aussi
de tolérance. Cessons tous de croire qu'on est les meilleurs!
Ce qui m'a beaucoup apporté c'est de voyager. Quand on reste
dans sa zone
de confort, on a un apriori à partir de ce cercle. Donc on donne
des opinions à partir de ce cercle. Mais dès qu'on sort de ce
cercle, on se rend compte que l'on peut voir les choses
autrement et que finalement elles sont belles aussi et que ça
peut fonctionner autrement. Tout cela c'est la tolérance. Il y a
plusieurs cultures qui fonctionnent différemment d'un point de
vue musical et c'est aussi de la grande musique. Donc le
maître
mot c'est la tolérance.
- Quand tu joues cet album sur scène, comment fais-tu pour
retranscrire l'âme de ton album ? Réunis-tu tous ces
artistes sur scène?
- Quand j'ai fait cet album, je souhaitais qu'il sonne comme je
l’avais dans la tête. C'est pour cela que je suis allé chercher
Duquende, Diego Carrasco, et tous les autres artistes. C'est sûr
que quand on fait un album où il y a les meilleurs dans chaque
domaine et que l'on sait très bien que pour chaque concert il
sera impossible de les réunir tous, alors je garde les
compositions, l'âme même du projet et je m'adapte aux musiciens
qui vont interpréter ces thèmes à leur manière tandis que le
message sera le même. Donc je vais adapter le
format en fonction des budgets. Si on m'appelle demain pour me
demander de jouer sur scène avec Ibrahim Maalouf, j'accepterai
bien évidemment. Il est fort probable qu'il y aura des concerts
où certains invités qui ont participé à l'album seront présents
sur scène.
- L'expérience de l'enregistrement de cet album, qu'est-ce que
cela t'a apporté d'un point de vue personnel et par rapport à
l'évolution de ton travail et ta vision du Flamenco?
- Ce projet m'a apporté la patience. Il faut être calme dans sa
tête pour réaliser un
projet de cette envergure. C'est pour cela qu'il est lié à la
pandémie car pendant cette période, tout s'est arrêté et cela
m'a un peu rassuré. Habituellement, quand on fait un album, il
faut faire vite car les maisons de disque nous pressent, il y a
aussi la réalisation de la pochette, le mix, les
journalistes qui commencent à s'impatienter. Il faut faire tout
très vite. Là, comme tout s'est stoppé, j'ai trouvé cela très
rassurant. J’ai pris mon temps. Cela a été très positif pour
moi. La planète est stoppée et je peux enfin m'assoir dans mon
studio, être devant ma page blanche et commencer à écrire
lentement, tranquillement sans avoir cette pression. De plus,
j'ai la chance d'habiter dans un endroit très calme. Pour
composer, c'est idéal. Pour ce qui est de ma vision du Flamenco,
je suis agréablement surpris du Flamenco tel qu'il est
aujourd'hui. Il y a trente ans en arrière, quand je commençais à
mettre des voix sépharades dans le Flamenco avec des artistes
comme Françoise Atlan, j'appréhendais les réactions
de l'entourage. La première fois que j'ai présenté toutes ces
compositions au producteur Isidro Muñoz,
le frère de Manolo Sanlucar, celui qui a produit les films de
Carlos Saura, je me disais qu'il n'allait pas comprendre, qu'il
n'allait pas accepter ce projet. C'est vrai que quand on amène
des projets si modernes, il y a trente ans en arrière, c'était
dur. Je me demandais si je n'allais pas trop vite, si je n'étais
pas en train de les bousculer. Heureusement que je suis tombé
sur quelqu'un comme Isidro car il a tout de suite compris qu'il
fallait le faire et que c'était une très bonne idée. Pour
revenir à ta question, le Flamenco d'aujourd'hui emprunte à
beaucoup de cultures musicales, à la danse contemporaine, que ce
soit le classique ou autre. Je trouve cela très bien. Mais il y
en a qui le réussissent mieux que d'autres.
- On peut dire que tu fais partie de ceux qui ont ouvert la
voie, n'est ce pas?
- Sans fausse modestie, cela fait longtemps que je suis là-
dedans. Au début c'était moins bien accepté. Il y avait toujours
des puristes. Je me rappellerai toujours des réactions face à la
« Sinfonia Flamenca ». Cette création a beaucoup fait
parler en positif mais aussi en négatif. Je ne me suis pas
pris pour Mozart mais j'avais simplement envie d'entendre ma
musique dans toute sa "splendeur" avec une orchestration. J'ai
fait l'album qui est allé aux Grammy Awards et je me suis
retrouvé à concourir avec Diego El Cigala, José Merce, Pepe de
Lucia! Je me retrouve à Miami avec tous ces gens. Cela m'a
beaucoup rassuré. Meilleur album de l'année avec tous ces gens,
oui cela encourage à suivre ma lignée artistique. C'est pour
cela que la vision du Flamenco telle qu'elle est aujourd'hui, je
trouve cela très bien. Il y a des gens qui excellent dans la
tradition et qui veulent rester là-dedans. C'est parfait. Il y
en a d'autres gens qui osent davantage et je trouve cela très
bien aussi. Je pense à des artistes comme La Tremendita, Israel
Galvan.
- Quel circuit as-tu fait et quels sont tes nouvelles
destinations pour la tournée de cet album? Quels sont tes
projets?
- Là, je viens de tourner au Maroc. On a fait une vingtaine de
dates dans toutes les villes impériales, donc inutile de te dire
que le projet a été très bien accueilli. Zyriab est passé au
Maroc aussi. J'ai fait beaucoup d'interviews, pour les télés et
la presse marocaine. On envisage de présenter ce projet aux
Etats Unis, au Canada, au Nouveau Mexique, en Europe. En
parallèle de cette tournée, j'ai aussi le projet de présenter
une nuit de la guitare avec Al di Meola. C'est un projet qui me
tient à cœur car justement Al Di Meola fait partie des gens qui
m'ont beaucoup inspiré. Quand on a 14 ans et qu'on voit ce trio
Al Di Meola, Mac Laughlin et Paco de Lucia, on ne peut qu'être
impressionné par tout cela! J'ai eu la chance de tourner
longtemps avec Larry Coryell qui était le quatrième guitariste
de l'époque. J'ai rencontré Al Di Meola à New York quand je
donnais un concert. Il était dans la salle, devant moi. Il est
venu me voir dans les loges après le concert. Il m'a salué et il
m'a dit "Dans un mois je joue en France; je t'appellerai et on
jouera ensemble". J'étais bien surpris. Un mois après,
effectivement, le téléphone sonne et il jouait en France; on a
joué ensemble, comme prévu. Ce sont des moments qui sont
importants pour moi.
- L'accueil du public par rapport à ton album, quel est-il?
Quels sont les retours?
- Je dois t'avouer que depuis que l'album est sorti j'ai
énormément de presse très favorable à propos du disque. Hier je
faisais une interview en Pologne, la semaine dernière aux
Etats-Unis, la semaine d'avant au Mexique. En Espagne, j'ai fait
toute la presse nationale. En Angleterre aussi. C'est un projet
qui séduit énormément. Je crois que les gens ont besoin de se
retrouver et de moins se sentir divisés. Ce projet montre que
cela peut fonctionner. La musique c'est un langage universel. Je
ne parle pas marocain, ni l'algérien, je ne parle pas le
libanais et pourtant on s'est compris sans problème. J'ai reçu
une lettre de l'UNESCO hier pour me remercier d'avoir réalisé
cet album. Cela fait vraiment plaisir. Je pense qu'un des
messages importants de cet album c'est "Salam", qui veut dire
"la paix".
- Merci beaucoup Juan pour cet entretien, pour ce magnifique
album que nous écoutons en boucle et pour cet appel à la
fraternité humaine. A très bientôt!
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Site web de Juan Carmona:
www.juancarmona.com
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