Musique Alhambra

L'Actualité du Flamenco

 

  

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Interview d'Enrique Morente réalisée par Isabelle Jacq 'Gamboena', en avril 2010,  pour Musique Alhambra

 

 

Dans le nouvel album d'Enrique Morente intitulé 'Flamenco en directo', le maestro du cante rassemble 9 thèmes enregistrés en direct à Cadiz, Grenade et Cartagène, entre 1992 et 2008... des perles précieuses longtemps mises de côté et enfin diffusées et révélées au large public grâce à cet album où l'on retrouve la guitare de Juan et Pepe Habichuela, Rafael Riqueni et David Cerreduela. Dans son album, Enrique Morente inclut aussi une chanson nouvelle, Nana de Oriente, émouvante berceuse pacifiste interprétée par Morente avec ses filles Estrella et Soleá. Le Maestro du cante nous a fait  honneur de nous accorder un entretien lors de son passage à Paris, entretien dans lequel il nous parle de lui, de son nouvel album et de ses projets:

 

- Enrique Morente, le public  est heureux de te retrouver sur la scène parisienne. Cela fait plusieurs années que tu es venu à Paris, n'est-ce pas?

- Oui, la dernière fois que je suis venu, c'était au Théâtre de Chaillot, il y a 6 ans environ et j'étais venu, auparavant, à plusieurs reprises, lors de diverses concerts.

- Comment vis-tu ton chant?

- Je vis le chant comme je ressens la vie et celle de mes amis. L'état de mes amis m'influence plus que mon état personnel...

- Te considères- tu comme anti conformiste dans ton art?

- Oui, je le suis très souvent et plusieurs jours de la semaine.

- Depuis quand ta vie est-elle liée au Flamenco et au cante plus particulièrement?

- Quand j'étais petit, mon premier travail fut de chanter, puis je suis venu à Madrid pour travailler dans cette ville et c'est là bas que je suis devenu professionnel.

- Tu chantais aussi dans les églises, n'est-ce pas?

- Oui, je le faisais en parallèle de ma carrière artistique. J'ai une double personnalité...

- Tu as une large discographie dans laquelle on remarque ta profonde connaissance de la tradition Flamenca ainsi que ton ouverture sur d'autres styles de chants et de registres musicaux. Cette recherche constante de sonorités nouvelles, est-ce une nécessité pour toi?

- Oui, l'inquiétude de la création, je l'ai toujours eu. J'ai toujours cherché à en savoir un peu plus, et le travail au quotidien, c'est aussi très important pour moi. Quand je prépare un concert, j'ai toujours le souhait que celui-ci sera différent de celui d'avant.

- Ton besoin de mener des recherches dans divers registres musicaux signifie-t-il que la tradition Flamenca n'est pas assez riche?

- La tradition Flamenca est très riche et mes recherches se situent surtout dans la tradition et chez les classiques. Le reste est un peu annexe. J'ai dédiée ma vie au chant classique, au cante jondo et ma recherche se situe par dessus tout dans ce domaine. Tout le reste, ce sont des créations naturelles du moment, réalisées au jour le jour.

- Tu restes ouvert à tout type d'influences dans ta création, n'est-ce pas?

- Oui, je suis ouvert à tout ce qui est bon. J'écoute, je vois, je vis...

- Penses-tu que le Flamenco vit une bonne période, actuellement?

- Oui, je pense qu'il vit une période favorable(...) Il y a beaucoup de très bons professionnels constitués de jeunes qui ont beaucoup de capacités artistiques.

- Tu es l'un des premiers cantaores à interpréter les letras des grands poètes. Quels sont ceux que tu préfères, par dessus tout?

- Pour que je chante ces letras, elles doivent me plaire, sinon je ne peux pas les chanter, néanmoins, parmi les poètes qui ont marqué ma sensibilité, il y a Federico Garcia Lorca et Miguel Hernandez. Ce sont les poètes que j'ai le plus étudié, lu, et qui m'ont le plus servi pour créer.

- D'où vient le projet de création de ton nouvel album 'Flamenco en directo'?

- J'avais plusieurs cassettes de mes enregistrements passés, dans ma cuisine, mélangées aux pommes de terre et autres légumes...je suis terriblement désordonné. On m'a donné la bonne idée de rassembler ces enregistrements pour en faire un disque. J'aurais pu faire 3 albums mais, comme certains enregistrements étaient détériorés, j'ai du faire un choix...je sortirai probablement un deuxième album prochainement, sur ce même concept, puis je passerai à autre chose.

- Comment as-tu choisi les thèmes de cet album?

- Ce sont tous des chants issus du cante jondo classique avec mon interprétation personnelle. La 'Nana de Oriente' est une de mes créations. C'est le seul thème enregistré en studio. J'ai été inspiré par les enfants d'Orient actuels, victimes de la guerre. Ils chantent pour leur mère.

- Dans cette chanson, nous entendons pour la première fois ta fille Solea...

- Oui, mais elle chante depuis sa plus tendre enfance, comme sa sœur. Elle chantait et dansait comme sa sœur et, du fait qu'elle a étudié à l'université et qu'elle a terminé sa formation, je crois qu'elle veut chanter maintenant.

- Pour toi, quelle différence y a t-il entre le fait d'enregistrer en direct et enregistrer en studio?

- C'est réellement très différent. Je n'avais jamais sorti de disque en direct, auparavant, et l'expression change car le studio pousse à la  création et le direct favorise l'expression.

- Il y a des artistes qui préfèrent enregistrer en direct...

- Oui, mais quand tu es dans un studio d'enregistrement, la part du direct est petite. Auparavant, les premiers directs réalisés en studio étaient comme les directs en public car l'enregistrement se faisait en une seule fois. Recommencer 20 fois en studio fait que ce direct devient relatif. En fait, la grande différence c'est que, quand on enregistre en studio, le public n'est pas là...

- Quand tu chantes devant un public, penses-tu que cela change ton cante?

- Oui, cela change l'expression de l'artiste et on doit faire certaines choses qu'on ne fait pas en studio comme le fait de se peigner beaucoup mieux les cheveux. De plus, il y a une chaleur et une âme quand le public est là. Mais le travail en studio ne doit pas être dévalorisé. Il y a des gens qui considèrent que c'est de la musique en 'boite de conserve'. Moi, je considère que les deux formes sont aussi importantes l'une que l'autre et il faut les respecter tout autant.

- Pourrais-tu nous en dire plus sur le prochain album que tu envisages de sortir?

- Oui, tout d'abord j'essaye de convaincre Fernando Crespo, le directeur artistique d'Universal Music Spain,  pour sortir ce nouvel album car la crise de la vente discographique touche aussi le Flamenco. Cet album sera basé sur mes enregistrements passés, donc il sera fait sur le même concept que 'Flamenco en directo'.

- Ces enregistrements datent de quelle période?

- Certains ont une dizaine d'années, d'autres sont antérieurs. Il y a une grande partie de ma vie dans 'Flamenco en directo' et dans le prochain album; pour qu'on ne devine pas mon âge, dans le prochain album, je ne mettrai pas la date d'enregistrement de chaque thème...

- Quel sera le contenu du prochain album?

- Il y aura donc des enregistrements en direct réalisés il y a plusieurs années ainsi qu'un thème enregistré en studio 'Nana de la cebolla', poème  emblématique de Miguel Hernandez. Je l'avais déjà interprété il y a plusieurs années dans un album en hommage à Miguel Hernandez. J'ai repris ce thème et je l'ai enregistré à nouveau.

- Nous avons hâte de découvrir ce nouvel album et en attendant, nous écoutons avec grand plaisir Flamenco en directo, que nous recommandons vivement. Merci Enrique et à très bientôt.

- Merci à toi...

 

 

Visiter le site Web d'Enrique Morente: www.enriquemorente.com

 

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Remerciements à Fernando Crespo et François Arveiller d'Universal Music