Pedro soler 

L'immense guitariste Pedro Soler nous a quitté samedi 3 août 2024, à l'age de 86 ans. Pedro laisse derrière lui, mais aussi pour l'éternité, le souvenir d'un guitariste aux doigts d'or et d'un musicien d'exception.

"De toutes les guitares qui chantent et font danser le monde, il en est une particulièrement pure, c'est celle de Pedro Soler" a dit de lui Jean-Louis Barrault.

Né en 1938 à Narbonne, Pedro Soler était très jeune quand il a été adopté par les maîtres dits de l’âge d’or. Arrivé à Madrid le jour de la mort de Manuel Vallejo, c’est à la fameuse "Villa Rosa", autrefois Plaza de Santa Anna, qu’il rencontre les éminentes personnalités de cette époque-là. Il accompagne Perico de Cadix, Rafaël Romero, Bernardo de los lobitos et a la chance d’entendre et de voir Pericon del Lunar père, ou le légendaire Manolo de Huelva... Ses premières armes, il les fera avec Granaina Jose Maria, en évoluant dans le quartier espagnol de Toulouse, considérée alors comme la capitale républicaine de l’Espagne en Exil. Jacinto Almadéen, séduit par la sonorité de son jeu, décida d’en faire son guitariste. Ce sont des tournées en Espagne à ses cotés. Pedro Soler a accompagné Almadéen jusqu’à sa mort. Ensuite, il accompagne Pepe de la Matrona, auprès duquel il apprit beaucoup, tout comme auprès de Miguel Vargas. Pedro Soler excellait dans l’accompagnement - de la danse d’abord, avec Carmen Amaya, La Chunga, mais c’est surtout de la Joselita qu’il tenait son école. La danseuse a démarré sa carrière dès l’âge de six ans auprès de grands mythes comme Juana "La Macarona", "La Argentina". Elle a dansé très longtemps, c’est dire si Pedro Soler a pu s’imprégner de cette école. Pedro reconnu et apprécié pour la pureté de son style n’en restait pas moins ouvert aux autres musiques. Il a joué aux cotés d’Atahualpa Yupanqui, dont l’exigence musicale et la rigueur ont été un modèle permanent. Il a formé les musiciens du quartier de Saint Jaume, à Perpignan, et n’hésitait pas à jouer avec eux la rumba catalane. Il a joué et enregistré avec le brésilien Nonato Luz, la chanteuse Maria Bethania, la chanteuse grecque Angelique Ionatos, le basque Benat Achiary, l’indien Ravi Prasad, le joueur de oud Georges Kazazian. Il était un des éléments marquants de la création poético- musicale sur un texte de Garcia Lorca le Poète, à New York. L’aventure continuait dans une formation électroacoustique, toujours avec Benat Achiary et les musiciens d’Etage 34. Étapes inattendues pour ce musicien subtil, délicat et discret. Le mélange des genres assurément ne lui faisait pas peur. Il a entrepris une tournée en Inde du spectacle "Près du cœur sauvage", avec Benat Achiary. Il a travaillé Federico Garcia Lorca (textes et chants) avec Germaine Montero, avec Maria Casarès des poèmes d' Antonio Machado, et il considérait cette dernière rencontre comme une étape importante  dans le  cante jondo.

Habitant à Banyuls sur mer, Pedro Soler s'y produisait régulièrement, notamment avec son fils, le Violoncelliste Gaspar Claus. "Il n'a jamais arrêté de monter sur scène, raconte le musicien. Il devait également bientôt réaliser une performance à Banyuls avec ma soeur, Clara Claus, qui est plasticienne. C'était un des rares non-gitans à être totalement accepté, parce qu'il avait un jeu comme les anciens, archaïque. le sens profond du Flamenco demande davantage un certain état de jeu plutôt qu'une performance technique. Il s'agit de toucher aux entrailles des sentiments. Et mon père avait cette grâce".

Miguel Angel Asturias, prix Nobel de littérature écrivait: "Les doigts de Pedro Soler sont cinq sens de la guitare, dans ses mains elle regarde, écoute, chante, souffre et parle".